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François Malkovsky dans le courant
d’une approche nouvelle et subversive de la danse

Présentation
de Georges-A. Denis
pour l’ouvrage « Isadora Duncan 72 planches par José Clara »

« En 1902, une étrangère, par son amusant accent britannique et sa grâce ingénue obligeant au sourire, vint offrir au élèves de l’Ecole des Beaux-Arts des billets d’entrée pour un « récital » qu’elle donnait au Théâtre Sarah-Bernhardt ; elle danserait ; il y aurait un grand orchestre ; elle s’appelait Miss Isadora Duncan. Isadora, cela ne signifie-t-il pas voué à Isis, à la déesse ?

Le soir du spectacle la salle se remplit. Au fait qui était cette Duncan ? Certains affirmaient qu’elle dansait pieds nus ! Comment pouvait-on danser pieds-nus ! Et pourquoi pas ? L’heure du rideau passait, l’orchestre restait absent. On s’impatientait.

La toile fut levée. La scène restait sans décors, limitée par les plis de grandes étoffes bleuâtres ; un tapis de la même nuance couvrait les planches. Isadora se présenta, les épaules et le corps voilés, désarmant le public par son sourire d’enfant confuse et attristée, et, dans son français hésitant, parla comme à des amis. Elle dit son chagrin : son impresario s’était enfui avec l’argent, les musiciens l’ayant appris étaient disparus, elle ne pouvait donc pas danser …

Si ! Si ! Il fallait danser ! Certainement on trouverait un pianiste, elle devait danser ! On trouva, dans la salle, un pianiste, et excellent.

Alors, …Isadora Duncan dansa. Appelée par la musique, elle s’avança d’entre les plis de ses grands rideaux, prit son envol. Dès l’instant, tous furent saisis du sentiment qu’un être exceptionnel, qu’une forme nouvelle d’émotion s’emparait d’eux.

Toute une soirée, sans que, quand elle s’interrompait, les rappels et les applaudissements eussent de cesse, langage nouveau de la beauté, elle souleva les cœurs et les esprits au-dessus des petitesses et des sottises. Trépidante et reconnaissante la jeunesse lui offrait, lui jetait, des fleurs. Pour se dégager elle dut parler, annoncer qu’elle reviendrait, et que si « théâtre manquait ou musiciens » elle convoquerait « tous au Bois de Boulogne ».

Telle se montra alors, et telle fut comprise, Isadora Duncan : instinctive, audacieuse et confiante, insoucieuse des moyens et des artifices théâtraux, étrangère à nos conventions, brisant les entraves de la Danse, douée d’un corps sans fatigue, généreuse et sans mensonge. »