La Danse et les Mythes grecs
Ce que nous vivons ici dans la danse, il me semble, c'est qu'il y a quelque part dans l'invisible des lignes de force qui nous relient, d'abord à nous- même, chacun dans ce qu'il a de plus vrai, de plus beau, qui nous relient entre nous et au-delà de nous. Et cela nous réjouit ! Des liens de ce genre me sont apparus, des résonances, entre la manière de voir le monde et d'y être présents, exprimée par les Grecs anciens, dans leurs mythes premiers, et certains aspects de la danse de Malkovsky. Entre la chorégraphie de « Chanson Matinale » et l'histoire d'Aurore. Il faut d'abord se transporter en Grèce, se retrouver berger, dormir dehors près de son troupeau dans des lieux de silence. On a tout le temps d'imprégner son regard et tous ses sens de la nature proche, de la mer semée d'îles, du ciel, immense, des saisons qui passent, du jour et de la nuit qui se suivent. On a tout le temps de penser. Et la pensée peut déborder de son cadre habituel, rationnel ou sentimental, pour s'élargir et toucher à des réalités plus vastes. Ces réalités s'habillent alors de mots, pour être communiquées ou pour réveiller les mémoires. Ainsi pour Aurore. La déesse Aurore est née à l'aube du monde, à une époque où l'univers commençait à trouver un équilibre, un rythme, une harmonie. Aurore prend sa place dans le grand ordonnancement et y joue un rôle particulier : elle seule a connaissance des deux royaumes du jour et de la nuit auxquels elle appartient. Elle assume la fonction divine de faciliter le passage du monde nocturne au monde diurne, de réguler au plus juste le cycle lumière lunaire / lumière solaire. Au sortir de la nuit, quand sa fille, l'Etoile du Matin, l'Etoile du Berger, s'efface dans la blancheur de l'aube, un frisson la traverse, un frémissement de vie : c'est le Vent du Matin, Astreïos son époux, qui fait vibrer toute chose, aux premières lueurs du jour, de l'haleine attentive du grand souffle cosmique. Alors elle s'élance, bondissante et joyeuse, elle court annoncer à la terre l'arrivée du soleil, Hélios son frère. On la voit volant dans les airs, si belle dans ses voiles. Ou bien elle monte Pégase, le cheval du ciel aux ailes déployées, plus rapide que tous les vents. Elle brandit une torche aux quatre coins de la terre, aux quatre portes ouvrant sur les quatre axes du monde. Ou bien encore elle conduit son char de pourpre attelé de deux chevaux d'or, et elle secoue le manteau de la nuit. De ses doigts au parfum délicat, ses doigts de rose, chante Homère, de rose blanche, veloutée, elle touche les êtres qui peuplent la terre. Alors tout s'éveille, plantes, animaux, humains, pour recevoir les dons de ce nouveau jour. Voilà ! Maintenant Aurore s'en va, comme elle est venue, rapide, légère, laissant toute la place au Soleil dont les premiers rayons enflamment déjà l'espace.
Annie D.